29 Avril 2024
La « punition » est une idée de plus en plus remise en question par les parents. Cependant, qui n’a jamais utilisé ce moyen de pression face à un enfant un peu trop rebelle : « privé de téléphone ! » ? En France, 95% des plus de 15 ans possèdent un téléphone portable (Insee, 2021) ; autant dire qu’aujourd’hui, cet outil fait pleinement partie de la vie des adolescents. Mais est-ce une bonne idée de confisquer les écrans en punition ?
Que reproche t-on vraiment à l’écran ?
Il ne fait aucun doute que la présence de l’écran peut poser problème dans le bon développement d’un adolescent. Mais pour être plus précis, le vrai problème se situe plutôt dans la mauvaise utilisation de cet outil. En effet, en lui-même, l’écran n’est ni bon ni mauvais : tout dépend de la manière dont on l’utilise. Les troubles du sommeil, le décrochage scolaire, l’isolement… tous ces problèmes souvent liés à l’abus d’écran peuvent-être évités en cadrant son utilisation, et en évitant les « mauvais usages ». Et tout cela sans aller jusqu’à l’interdire totalement ! Un enfant peut se blesser en allant jouer dehors, mais aucun parent n’aurait l’idée de lui interdire totalement l'extérieur pour éviter que cela n’arrive ! Ainsi, d’autres moyens simples de pallier ces problèmes d’écrans peuvent être trouvés : interdire de faire entrer un écran dans la chambre, par exemple, afin de limiter les impacts sur le sommeil, ou couper la connexion internet après une certaine heure afin d’éviter toute tentation. Ne pas utiliser son portable lors des repas, ou seulement une fois que les devoirs ont été faits sont aussi des solutions.
Est-ce une punition efficace ?
Une première chose à éviter serait d’utiliser la privation de portable comme un moyen de pression pour tout et n’importe quoi. Si la menace de se voir retirer son téléphone peut être persuasive pour votre ado, elle peut vite être perçue comme injuste quand elle est utilisée à tort et à travers : mal se tenir à table, par exemple, n’est pas (forcément) relié à l’usage du téléphone portable. Lui prendre son portable pour cela rendrait la privation abusive aux yeux du puni. Or, une punition qui n’apporte aucune réflexion sur la faute commise et qui se résume à de la frustration n’est pas pleinement efficace. Il est ainsi important d’expliciter le lien entre la règle transgressée et la punition subie, et d’apporter une conséquence adéquate.
D’un autre côté, si l’ado a abusé du portable, ou s’il a transgressé une règle établie à la maison par rapport à l’usage des écrans, est-ce efficace de le priver de téléphone ? Pas forcément. Même dans cette situation, nous vous déconseillons de priver votre ado de son portable.
D’après Maeliss Layeux, animatrice d’ateliers et formations en accompagnement à la parentalité à l’EIREM : « La punition que l’on connaît n’a rien d’éducatif. C’est surtout une réaction du parent qui, excédé et fatigué de discuter, va établir un lien de supériorité en privant l’enfant de quelque chose. C’est une façon pour lui de reprendre le pouvoir. Mais de cette situation ne ressortira rien de positif et le parent comme l’enfant finiront avec du stress, de la déception, et parfois même de la colère. »
Une punition qui rendrait encore plus addict ?
Une étude réalisée en 2018 par l’Université canadienne de Guelph s’est penchée sur le lien entre enfants et écrans. Sur la base des résultats observés dans 68 familles avec des enfants de 1 à 5 ans, les chercheurs ont conclu que l’attrait des plus jeunes pour les écrans était justement renforcé… par le fait de les en priver ! En l’utilisant comme objet de punition, l’écran est finalement perçu comme une récompense, augmentant sa « valeur ». Imaginons qu’un enfant ait un comportement anormal, et que le parent le prive d’écrans, alors le message envoyé est « ne pas avoir d’écran est anormal et punitif », ce qui peut créer un rapport problématique à l’utilisation de l’écran dans le développement de l'enfant.
Nous vous conseillons plutôt, par exemple, la mise en place d’une charte des écrans. Un outil simple, dans lequel on énonce les limites à l’avance, en quelque sorte les règles de la maison pour ce qui est des écrans. Ces règles, qui devront être suivies par tous les membres de la famille (et oui, même les parents ! Sinon cela sera bien plus difficile d’accepter pour les enfants) permet de mettre au clair les limites de temps, de pièces de la maison, de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas. En d’autres termes, nous recommandons de limiter l’utilisation de l’écran plutôt que de l’interdire.
L’ESSENTIEL :
• La privation de téléphone ne semble pas être une solution très efficace dans l'éducation d’un enfant.
• Plus encore, priver d’écran donne de la valeur à l’outil en lui donnant un statut de récompense, renforçant davantage le problème.
• Favorisez la mise en place de règles claires encadrant et limitant l’utilisation des écrans à la maison.