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Elon Musk rachète Twitter : quelles conséquences ?

Elon Musk rachète Twitter : quelles conséquences ?

Le 27 octobre 2022, le célèbre réseau social Twitter était officiellement racheté par le multi-milliardaire Elon Musk après de nombreuses négociations. Loin de faire l'unanimité, de nombreuses personnalités politiques ou civiles ont pris position sur ce rachat, dont notamment la sénatrice américaine Elizabeth Warren qui dénonce un rachat « dangereux pour notre démocratie ». Entre monopole des plateformes numériques, médias sociaux et conséquences pour les utilisateurs, on fait le point.


Un rachat à 44 milliards

« L’oiseau est libéré » a publié Elon Musk sur Twitter le 27 octobre 2022, le lendemain de son rachat pour 44 milliards de dollars.

Ce rachat de Twitter par Elon Musk est une première dans le monde des réseaux sociaux et se distingue très nettement des autres rachats auxquels on pourrait le comparer, comme celui de YouTube par le groupe Google en 2006, par exemple. La différence étant que pour Twitter, le rachat ne se fait pas par le biais d’une entreprise, mais bien par le milliardaire lui-même. Or, lors du rachat de YouTube, l’entreprise est devenue la propriété du groupe Google, celui-ci comptant des actionnaires et comités de direction aux côtés de son dirigeant. Pour Twitter, un seul homme est devenu l’exclusif propriétaire du réseau social. Cette démarche d’Elon Musk peut davantage se comparer aux phénomènes de rachats d’organes de presse par des milliardaires, en faisant alors des outils d’influence ; citons notamment Vincent Bolloré avec le groupe Canal+ ou plus récemment Le Journal du Dimanche, Bernard Arnault et le journal Le Parisien, ou encore Martin Bouygues avec TF1. La question est donc de savoir dans quelle mesure les intérêts personnels, financiers et politiques de Musk vont transparaître à travers Twitter.


Une gestion qui fait débat

Si la gestion de l’entreprise faite par le milliardaire depuis son rachat a pu être sujette à débat, avec par exemple un plan de licenciement immédiat touchant la moitié du personnel dont le PDG, le directeur financier ou encore le directeur juridique (3 des dirigeants historiques du réseau social), cette acquisition pose également des questions politiques.

Suite au rachat, on remarque d’autres modifications que ces changements structurels. Si Elon Musk se vante de vouloir mettre en avant la liberté d’expression, il est bon de regarder dans les faits les modifications apportées au réseau social, renommé depuis « X ». On remarque notamment la création d’un abonnement payant nommé « Blue », accessible à tous et donnant accès à une certification autrefois réservée aux comptes officiels de marques, personnalités publiques, organismes, etc. Cette marchandisation de la certification crée une confusion entre les comptes officiels ou non. En effet, la petite pastille bleue de certification pouvait auparavant être un bon moyen de différencier au premier coup d'œil le compte d’un journaliste, et celui d’un utilisateur lambda. 

Par ailleurs, certains comptes critiques du milliardaire ont mystérieusement disparu. C’est le cas du compte « ElonJet », suivi par plus de 500 000 personnes qui traçait en direct les déplacements en jet privé du milliardaire, afin d’en dénoncer son impact écologique. Les comptes de plusieurs journalistes du Washington Post, du New York Times ou de CNN ayant relayé ces informations ont également été suspendus. Interrogé sur la disparition soudaine de ces comptes, Elon Musk se défend en évoquant le droit à la vie privée, et les risques pour lui ou sa famille d'avoir leurs vols et destinations divulgués en ligne.
Suite à la condamnation par l’ONU de ces blocages, Musk a levé la suspension des journalistes, mais pas du compte principal suivant son jet. En réponse à cela, un nouveau fut créé, identique au précédent, mais avec un décalage de 24h, se différenciant ainsi de l'ancien compte qui était en temps réel. Ce second compte est toujours actif à ce jour.

Les problématiques soulevées par l’acquisition d’une plateforme telle que Twitter par un milliardaire et la disparition de certains comptes sont à remettre dans le contexte particulier de la prise d’importance des réseaux sociaux dans le débat public depuis une dizaine d'années. Twitter, avec son fonctionnement horizontal, le regroupement de ses utilisateurs en communautés, et la facilité à interagir avec les autres, s’est fait une place de choix parmi les « médias sociaux ». Impossible d’imaginer un grand média ne communiquant pas via Twitter (ou nouvellement X) aujourd’hui, du journal Le Monde à Libération en passant par Médiapart.

De manière plus insidieuse, Musk a également ajouté une fonctionnalité nouvelle au réseau, qui est amenée à changer son fonctionnement en profondeur : la rémunération des posts. Si votre post cumule beaucoup de vues, si votre avis a été consulté par de nombreuses personnes, alors il est possible de recevoir de l’argent, de la même manière qu’une vidéo postée sur YouTube peut être monétisée, notamment par la publicité. Cette nouveauté a une conséquence directe sur l’utilisation du réseau, certains comptes cherchant à tout prix l’engagement des utilisateurs (partages, likes, commentaires, etc.) afin d’en augmenter le nombre de vues et donc de générer du profit. Cette fonctionnalité à première vue anodine favorise finalement les avis tranchés et clivants - qui augmentent les réactions et donc rapportent davantage - mais aussi le partage d’informations rapidement sans parfois vérifier les sources, ce qui peut entraîner à la diffusion massive de fake news. Ainsi, cette multiplication des fake news (déjà bien présentes auparavant mais dorénavant implicitement rémunérées et donc favorisées) vient se mêler aux véritables informations en provenance des médias fiables que nous avons mentionnés plus haut.


L’ESSENTIEL : 
• Le rachat de Twitter par Elon Musk pose plusieurs questions éthiques et morales, notamment vis-à-vis de la liberté d’expression et d’information.
• Des choix de gestion du réseau ont déjà pu faire polémique, par exemple la disparition de comptes critiques à l’encontre du milliardaire.
• L’un des problèmes étant notamment la nouvelle politique de rémunération des posts basée sur l’engagement qu’ils provoquent, favorisant le partage d’informations possiblement erronées.

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