LE LABO DES IMAGES

L’éducation à la sexualité sur les réseaux sociaux

© Pixabay

© Pixabay

Les réseaux sociaux sont une source d’informations inépuisable, particulièrement prisée des adolescents qui y sont très présents. Utilisés par certains créateurs et créatrices de contenus comme des espaces de partage, on peut y trouver de nombreuses ressources sur l’actualité, la politique, la vulgarisation scientifique, mais également d’autres sujets peut-être plus inattendus, tels que l’éducation à la sexualité.


L’éducation à la sexualité en salle de classe, quel est le problème ?

La mise en œuvre de temps d’éducation à la sexualité est aujourd’hui obligatoire dans l’Éducation Nationale, mais ne constitue pas pour autant une discipline à part entière. Le sujet est abordé à travers différentes autres matières telles que la SVT pour l’aspect biologique (anatomie, reproduction, prévention, etc.), le Français et l’Enseignement moral et civique pour l’aspect psycho-social (orientations et identités sexuelles, estime de soi, émotions, etc.), ou encore dans le cadre de la vie scolaire.
À cela viennent s’ajouter 3 séances obligatoires de prévention avec les élèves. Cet aspect « éclaté » de l’éducation à la sexualité est souvent critiqué, notamment pour la complexité de sa mise en place pour les établissements. Plusieurs associations tels que SOS Homophobie, le planning familial et Sidaction tirent la sonnette d’alarme : en 2022, seulement 15% à 20% des jeunes ont pu avoir accès aux 3 séances obligatoires. De leur côté, les représentants syndicaux de l’Éducation Nationale dénoncent un manque de moyens et de formations pour les enseignants sur ces sujets.

Dans ce cadre où la scolarité n’est pas toujours en capacité d’assurer son rôle dans l’éducation à la sexualité pour les plus jeunes, il n’est pas étonnant d’observer des moyens alternatifs se développer, notamment sur les réseaux sociaux. Ces réseaux comptent parmi les espaces privilégiés par les adolescents pour s’informer et partager leurs questionnements. Ils garantissent un anonymat à celui qui pose la question : pas de honte ni de jugement, contrairement à la traditionnelle salle de classe. Sur les réseaux, les adolescents ressentent également une proximité avec le créateur ou la créatrice, qui peut-être une personne du même âge ou de la même génération, et qui s’exprime de la même manière qu’eux. D’après une enquête de la fondation Ramsay Santé d’avril 2023 s’intéressant aux 15-25 ans, on apprend que 64% d’entre eux s’informent sur la sexualité et la santé sexuelle principalement sur internet et les réseaux sociaux, devant notamment les proches et les familles, l’école, ou encore les associations ou les professionnels de santé.


Quelle éducation à la sexualité sur les réseaux sociaux ?

Qu’il s’agisse de TikTok, Instagram, Snapchat, YouTube ou autre, on trouve bien souvent tout et son contraire à propos de la représentation de la sexualité. Il est autant possible d’y trouver des comptes éducatifs mettant en avant une sexualité positive et respectueuse, que d’y voir véhiculés des stéréotypes sexistes, ou des représentations dégradantes de la sexualité. Tout n’est pas à prendre, mais tout n’est pas à jeter non plus.
Parmi les comptes se penchant sur ces sujets, nous avons par exemple :

• Sur Tiktok : Lilou sans tabous. Un compte qui se présente avec sa phrase d'accroche : « Ici, on parle de TOUT sans Tabou ». La jeune femme de 22 ans y propose des réponses aux questions de ses spectateurs, avec des sujets aussi variés que les règles, les poils, ou encore la définition de mots tels que « libido », « préliminaires » ou autre. Le compte est aujourd’hui suivi par plus de 130 000 personnes, et cumule plus d’un million de vues sur certaines publications.

• Sur Instagram : Masha s’explique. Suivie par presque 150 000 personnes, Mathilde (Masha sur les réseaux) se présente comme une « maman sans filtre ». Autrice d’une BD nommée Un corps pour deux, dans laquelle elle raconte sa grossesse et de son post-partum, elle utilise son compte Instagram pour parler de relation homme-femme en général. Elle y aborde la sexualité, mais aussi de manière plus générale le couple ou le rapport à son corps, en répondant elle aussi aux questions de ses abonnés.

• Sur YouTube : Sexpédition. Derrière cette chaîne Youtube aux 30 000 abonnés, il y a Salomé, psychomotricienne. Cette jeune femme réalise des vidéos courtes, entre 4 et 6 minutes, dans lesquelles elle démonte des idées reçues sur des sujets liés à l’éducation sexuelle : des trucages utilisés dans les films pornographiques, aux inquiétudes liées au premier rendez-vous chez un gynécologue.
Sur YouTube également, nous pouvons citer la chaîne Parlons peu, mais parlons. Avec plus de 200 vidéos à leur actif, la chaîne présente des petites pastilles vidéos sur des sujets divers tels que l’endométriose, l’épilation, la pornographie, l’orientation sexuelle, etc., avec un ton humoristique et décalé. Une recette qui marche bien, la chaîne étant suivie par presque 600 000 personnes.

Ces comptes sont très différents les uns des autres et témoignent de la variété des façons d’aborder le sujet en ligne. On remarque premièrement une diversité dans les plateformes concernées : il est possible de trouver l’information sur TikTok avec des vidéos courtes, Instagram en photos ou YouTube avec des vidéos plus longues. On note également une variété parmi les profils de créatrices s'adonnant à l'exercice : Lilou sur TikTok est une étudiante de 22 ans pouvant avoir un côté « grande soeur » pour les plus jeunes, Masha sur Instagram est une jeune maman, et Salomé sur YouTube est une professionnelle de la santé. Ces comptes trouvent un écho considérable chez certains jeunes en recherche de réponses, en témoignent les vidéos des créatrices évoquées ci-dessus, dont certaines dépassent le million de vues.

Les réseaux sociaux peuvent également être le moyen pour certaines personnes de partager autour de sexualités moins souvent représentées dans la société, ou victimes de stéréotypes, de discriminations ou d’incompréhensions. C’est par exemple le cas de la chaîne YouTube « Princ(ess)e LGBT », abordant les sujets du coming-out, des droits LGBTQIA+, de polyamour, ou encore de non-binarité. Ces sujets trop peu (ou mal) connus du grand public sont généralement sous-représentés, moqués, ou cachés, et trouvent via internet un moyen de partager et de se faire comprendre.


Les limites

Une première limite ne vous aura sans doute pas échappé dans notre point évoqué ci-dessus : la totalité des exemples évoqués sont féminins. Durant les recherches pour cet article, nous n’avons trouvé que des femmes pour ce qui est de la vulgarisation et l’éducation à la sexualité, sujet concernant pourtant autant les jeunes hommes que les jeunes femmes.

Également, si certains créateurs et créatrices font un travail remarquable pour permettre une bonne éducation à la sexualité chez les plus jeunes via les réseaux sociaux, ce n’est malheureusement pas le cas de tout ce qu’il est possible de trouver en ligne. Découvrir la sexualité sur internet pour un adolescent, c’est aussi prendre le risque d’être confronté à des images inadaptées. Citons pour exemple les représentations de la sexualité que l’on trouve dans des jeux vidéo comme GTA ou Red Dead Redemption, très partagés en ligne. Ces titres incluent notamment des scènes de viol, de prostitution, ou de sexualisation de la femme à outrance, sans apporter de précisions sur l’aspect fictif de ces représentations. Et cela sans parler des images ou vidéos pornographiques trouvables sur certains réseaux sociaux et sur lesquelles n’importe qui peut tomber de manière parfaitement involontaire.


L’ESSENTIEL :
• La qualité de l’éducation à la sexualité et à la santé sexuelle est aujourd’hui vivement critiquée à l’école, avec des enseignants trop peu formés et un manque de moyens.
• Vue comme l’alternative idéale par certains adolescents, il est normal qu’ils se tournent vers les réseaux sociaux pour trouver réponses à leurs questions.
• Si certains contenus sont recherchés et bienveillants, cette éducation à la sexualité en ligne n’est pas suffisamment travaillée pour se suffire à elle-même.
• Il est facile de trouver de mauvaises représentations de la sexualité sur les réseaux sociaux, notamment via la pornographie.

Partager cet article

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :