4 Octobre 2023
L’estime de soi est le jugement, l’impression qu’une personne a de sa propre valeur. Elle se compose de plusieurs éléments ayant plus ou moins d'importance pour chacun, tels que la perception que l’on a de notre physique, de nos compétences, ou de nos relations avec les autres.
À l’adolescence, avec le corps qui change, les relations sociales qui se transforment et la création de notre identité propre, l’estime de soi se développe tout particulièrement. Dans ce processus de recherche de soi, les réseaux sociaux jouent un rôle important, et peuvent avoir une influence toute particulière sur ce développement de l’estime de soi.
L’omniprésence des réseaux sociaux
De nos jours, les réseaux sociaux font partie intégrante de la sociabilisation de l’adolescent, et jouent (au grand regret de certains parents) un rôle important dans leur vie sociale : ils participent à la construction de leur identité, avec la recherche d’identification et de reconnaissance.
D’après Médiamétrie, en 2018, environ 88% des élèves de collège en France ont un smartphone personnel : parmi ceux-là, 85% utilisent Snapchat et 71% Instagram. Une immense majorité, donc.
Cette prédominance du smartphone et des réseaux sociaux a pour effet de prolonger la relation sociale entre camarades au-delà du cadre scolaire. Ces circonstances ne sont pas forcément négatives, mais peuvent vite le devenir en l'absence d’encadrement. D’après Olivier Duris, psychologue spécialisé dans le suivi des enfants et d’adolescents dans leur rapport avec les écrans : « La partie de console jouée avec des copains, la série qu’on regarde sur Netflix ensemble maintiennent le lien, la sociabilisation. C’est du même ordre qu’une partie de foot. Toutefois, il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas que cette activité là. ».
L’estime de soi mise à mal sur les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux, ce n’est pas la vraie vie. Cela peut sembler évident pour un adulte, mais l’est bien moins pour un adolescent manquant de recul. Ce dernier y est constamment confronté à des corps et des visages parfaits, retouchés, modifiés, qu’il s’agisse du sien par les filtres, ou de celui de ses camarades de classe, chanteurs ou stars favoris. Ainsi, plusieurs comportements sur les réseaux sociaux peuvent poser problème dans la construction de l’estime de soi d’un adolescent, comme le fait de comparer sa vie à celle des influenceurs, de se sentir déprimé lorsqu’une de nos publications n’a pas assez de « j’aime », etc. Ce manque de recul vis-à-vis des réseaux est malheureusement assez répandu, donnant naissance à différentes anxiétés : se trouver ennuyeux, laid, se sentir triste, développer des complexes autour des imperfections de notre corps.
Snapchat peut nous servir d’exemple concret : ce réseau social extrêmement populaire auprès des collégiens propose principalement un partage de photos sur lesquelles il est fréquent de trouver des filtres, à savoir des modifications de l’image en direct, pouvant par exemple modifier votre bouche, vos yeux, l’environnement autour de vous, etc. Si de nombreux filtres sont créés à but humoristique (par exemple des yeux d’aliens ou encore des oreilles de chiens), beaucoup d’autres ont pour intérêt premier de lisser le visage, faisant disparaître tout grain ou bouton, grossir légèrement les lèvres et appliquant du maquillage sur votre reflet numérique. En bref : le faire convenir aux standards de beauté. Le moindre défaut du visage devenant une obsession pour un ado habitué à voir son reflet sublimé par un filtre, débarrassé de ses imperfections naturelles, ce phénomène pose plusieurs problèmes. On parle même de « dysmorphie Snapchat », un syndrome ou l’utilisateur se reconnaît davantage dans l’image modifiée par le filtre que dans son véritable reflet.
Dans une enquête réalisée par « le projet Dove pour l’estime de soi » auprès de jeunes filles belges, on apprend que ces dernières ont en moyenne 10 ans lorsqu’elles utilisent pour la première fois un filtre ayant pour but de les embellir. De plus, 4 filles sur 5 ont déjà publié une photo d’elles retouchée. Et pour enfoncer le clou, parmi les jeunes filles qui disent ne jamais utiliser de filtres, 80% sont satisfaites de leur apparence, ce qui descend à 50% pour celles qui y ont recours. Plusieurs choses sont à comprendre avec cette étude : notamment l’utilisation presque omniprésente des filtres par les jeunes filles, souvent dès le plus jeune âge, et leur impact négatif sur l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.
Pour en savoir plus, consultez l’enquête complète sur le site de Dove.
Protéger nos adolescents sur les réseaux sociaux
Il est ainsi particulièrement important de garder un œil à votre ado lorsqu’il utilise les réseaux sociaux. Dans son livre Les Écrans & toi, la journaliste Marie-Anne Dayé propose une série d’affirmations pour aider à évaluer l’impact des réseaux sociaux sur l’estime de soi d’un adolescent. Chacune d’elle sert à cerner un éventuel mal-être, et le principe est simple : si l’ado répond « c’est tout à fait moi » à au moins une de ces affirmations, c’est qu’il peut-être bon de prendre le temps d’en discuter avec lui, afin de lui apporter un recul et du soutien. Voici les affirmations :
- Tu es déprimé lorsqu’il n’y a pas assez de « j’aime » sur tes photos à ton goût.
- Tu compares sans cesse ta vie avec celle des vedettes ou des influenceurs, et tu rêves de leur ressembler.
- Tu te sens souvent triste après avoir navigué sur les réseaux sociaux.
- Lorsque tu te compares aux autres, ta vie te semble vraiment ennuyante.
- Lorsque tu regardes les photos des autres, tu te sens inintéressant.
- Il te semble que tout le monde est plus cool et heureux que toi.
- Tu te sens moche lorsque tu regardes les publications de personnes que tu suis.
- Tu as tendance à dénigrer (publiquement ou non) les statuts des autres.
Cet impact sur l’estime de soi n’est souvent pas le premier problème venant à l’esprit des parents dont l’enfant s’inscrit sur les réseaux sociaux. On pense peut-être davantage au cyber-harcèlement, ou aux images choquantes, qui sont bien plus « visibles ». Cependant il est clair que la dévalorisation de l’adolescent n’est pas un sujet à prendre à la légère, et peut aller jusqu’à impacter sa santé mentale et son développement vers l’âge adulte s’il n’est pas pris en compte.
L’ESSENTIEL :
• Omniprésents dans le quotidien des ados, les réseaux sociaux incitent à la comparaison sociale et à la dévalorisation de soi, notamment par rapport aux influenceurs.
• L’altération de l’image qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes (notamment avec les filtres) peut également être à l’origine d’un mal-être, et cela dès le plus jeune âge.
• Toute inscription sur un réseau social par un adolescent doit s’accompagner d’une mise en garde et de discussion avec ses parents (ou autre) au sujet de ces problématiques, afin de rappeler que cela ne représente pas la « vraie vie ».