LE LABO DES IMAGES

Un an après, où en est l’influence des réseaux sur notre mental durant le confinement ?

Un an après, où en est l’influence des réseaux sur notre mental durant le confinement ?

Instagram : cette application qui nous permet de flâner durant des heures, scrollant (l’action de faire défiler un contenu sur un écran informatique) vidéos, photographies et comptes en tout genre, mais qui peut être aussi à l’origine de motivations sportives, de remise en question sur ses habitudes alimentaires, sur son mode de consommation, ou encore le réveil de certaines consciences sociales ou politiques.
Cette plateforme est sans doute l’exemple le plus flagrant en termes d’influence sur la productivité*, de part son support vidéo et photo. Elle est aussi celle qui touche la tranche d’âge la plus active sur les réseaux, avec de nombreuses personnes influentes s’adressant directement aux utilisateurs.
* On parle là d’une productivité qui n’est pas nécessairement purement économique. Mais qui impose que chaque activité, même celles associées au pur plaisir (lire un livre, regarder, un film, jouer, faire du sport), doit être « rentabilisée », ou au moins montrée sur les réseaux.

Il y a aussi TikTok, qui jusqu’au premier confinement se composait essentiellement de jeunes de moins de 18 ans. L’application a vu arriver au mois de mars 2020 une vague d’utilisateurs multigénérationnels avec des vidéos humoristiques, tutos en tout genre, etc.

Un an après, où en est l’influence des réseaux sur notre mental durant le confinement ?

Les conseils et challenges coulent à flot sur ces 2 réseaux, pour travailler plus efficacement, cuisiner mieux et plus sain, se lever aux aurores, faire de la méditation, optimiser son temps libre, etc.
Des solutions pour se motiver qui marchent pour certains mais qui font naître une certaine culpabilité chez d’autres.


Comment notre société nous propulse dans la culpabilité de la productivité ?

Un an après, où en est l’influence des réseaux sur notre mental durant le confinement ?

Cette tendance à vouloir montrer que l’on ne gaspille pas nos journées, même quand elles sont libres, s’est largement accentuée cette année avec les 2 confinements. Le premier, qui était celui de la « découverte » et où le confinement était très strict, nous a tous poussés à davantage communiquer via les réseaux sociaux. Les influenceurs et les célébrités du monde entier nous motivaient malgré le confinement à rester actif, prendre soin de nous, lire, regarder des films, découvrir de nouvelles musiques.

Le mot d’ordre, sans vraiment le dire, était que ce confinement du printemps 2020 devait « servir à quelque chose ». Il devait être absolument productif. Alors que tout était fermé, que pour beaucoup de Français le chômage partiel était de mise, que les enseignements ne pouvaient pas être assurés correctement, et que notre espace de liberté se limitait à 1 km, il fallait être actif et non passif, et le montrer sur les réseaux. Et ce malgré le fait que nous vivions dans un monde qui tournait au ralenti. Se comparer en permanence aux influenceurs dont le métier est littéralement d’encourager son audience à consommer certains produits ou à adopter certains modes de vies et activités, a pu chez certains développer une sorte de culpabilité de la non productivité, dans un monde où celle-ci est la quintessence de l’image de l’individu en bonne santé qui réussit.

Un article du site Welcometothejungle parle de cette productivité, en expliquant pourquoi nous avons ce désir d’être toujours en mouvement :

Vous êtes dans la situation que le philosophe André Gorz analyse dans Les métamorphoses du travail 1988 : la rationalité économique, l’injonction à être performant, s’est étendue du secteur économique à toutes les sphères de notre existence. On cherche donc à maximiser sa « production de soi » : nos activités sont considérées comme des moyens de nous améliorer, développer nos capacités, comme on le ferait avec une machine ou un animal qu’on entraîne. Chaque minute doit être utilisée pour servir à quelque chose. La psychologie positive invente mille conseils, livres et séances de coaching pour nous aider à devenir la meilleure version de nous-même.» [… ] Eva Illouz dans Happycratie : « cette quête d’amélioration de soi est on ne peut plus floue et fait croire, à tort, que la réussite person

Welcometothejungle

Cette approche philosophique nous permet de relativiser sur les angoisses que peuvent nous provoquer la compétitivité à la production, une personne accomplie ne rime pas obligatoirement avec action. Ne rien faire n’est pas une honte.

Cette année a bouleversé nos modes de vies sur tous les plans. Si les écrans étaient déjà très présents dans nos vies, actuellement ils sont pratiquement nos seuls moyens de communication et de divertissement. Nos lieux de vie sociaux se sont drastiquement réduits, et pour une grande partie des Français, le lieu de travail s’est intégré à la maison. Ce qui n’est pas facile, car faire la différence entre espace de vie privée et espace professionnel n’est pas évident et la motivation peut en pâtir. Devoir trouver son équilibre entre le travail et la vie personnelle avec un monde extérieur de plus en plus angoissant, peut être extrêmement difficile pour le mental si en plus on ajoute la tentation de comparer nos vies sur les réseaux sociaux.

Un an après, le confinement a changé la donne, l’excitation de la nouveauté est derrière nous. Le deuxième confinement a été vécu plus librement, car mieux organisé et managé au niveau du télétravail et de la peur du virus moins présente qu’en mars. Face à la fatigue générale et l’habitude d’une nouvelle vie à moitié vécue, les influenceurs se montrent eux aussi moins moteurs et plus compréhensifs, sans doute parce qu’ils vivent la même chose et que les retombées psychologiques touchent de plus en plus de monde.


Une pression encore plus présente chez les femmes ?
La maternité et instagram

Est-ce que les injonctions sur la gestion du confinement et de la productivité sur les réseaux sociaux touchent plus les femmes que les hommes ? La charge mentale est encore très présente dans les familles. Ce terme peut être décrit comme une charge cognitive dans la gestion du foyer (avec ou sans enfant) et qui se ressent actuellement beaucoup plus chez les femmes. Un extrait de la BD de l’autrice Emma l’explique très bien.

Aujourd’hui, une femme se doit d’assurer professionnellement mais doit aussi avoir assez de temps pour s’occuper de sa maison et de ses enfants. Même si la gestion du foyer a grandement évolué, le fait est que la femme se place souvent en position d’actif : c’est elle qui donne les ordres, qui pense pour 2, l’homme est souvent exécutant alors que la femme opère un travail mental à penser à tout. Sur Instagram, les influenceuses mamans sont légions. Elles montrent leurs vies du quotidien et dépeignent une soi-disant vie parfaite : celles qui sont toujours apprêtées de bonne humeur, leurs maisons parfaitement rangées, le corps d’avant la grossesse retrouvé en quelques mois seulement... Tout cela peut provoquer aux mamans ce genre de questionnement : pourquoi je n’arrive pas à ranger ma maison comme sur Insta ? À être toujours bien habillée ? À trouver plusieurs sortes d’activités pour mes enfants ? À cuisiner quelque chose de différent tous les soirs ?
Il existe tout de même certains comptes Instagram déculpabilisants et montrant l’envers du décor de ces vies soi-disant parfaites : Maman_louve, Cranemou, Bordel.de.meres, parentepuise, Postpartum_tamere, theverygoodmother...


Sportifs confinés

Un an après, où en est l’influence des réseaux sur notre mental durant le confinement ?

Il y a le foyer, mais il y a aussi l’apparence (alors que nous ne sortions littéralement pas de chez nous). Avez-vous vu vos amis se mettre au footing ou au sport devant leur ordinateur durant ce mois de mars et d’avril 2020 ? C’est vrai ! Il ne fallait surtout pas se laisser aller physiquement. Les articles et les conseils fusaient sur comment ne pas prendre de poids durant le confinement. Cette volonté, déjà présente en temps normal sur de nombreuses chaînes YouTube et comptes Instagram, s’est intensément fait sentir durant le confinement. Des obsessions aussi présentes chez les hommes, mais encore plus poussées chez les femmes à cause des standards de beauté encore très ancrés dans nos sociétés. Les objectifs sont toujours les mêmes : atteindre le soi-disant canon de beauté imposé par le patriarcat.
Ces 2 phénomènes découlent de plusieurs problèmes : la productivité imposée par notre société dont on parle depuis le début de l’article, et le système qui met une pression beaucoup plus forte chez les femmes que chez les hommes pour paraître parfait.


Finalement, le confinement a pu remettre en place certaines injonctions sur la productivité. Le temps et la charge de travail ont été ralentis pendant quelques temps. Nos projets et nos philosophies de vie ont été revus à la loupe. Les réseaux sociaux peuvent être vecteurs de beaucoup de choses positives. Ils permettent de rassembler, faire rire, apprendre de nouvelles choses.
Cependant, chose qui peut s’avérer difficile, il faut savoir prendre du recul sur ce que l’on voit et avant tout écouter ses envies et ses capacités. Ne pas se sentir coupable de ne pas réussir ce que d’autres accomplissent, surtout quand ces choses sont bien vues dans la société.



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Article rédigé par Emma Fertard, médiatrice culturelle, volontaire en Service Civique au Labo des images.

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